Entretiens

« Après une phase post-crise de consommation débridée, l’écologie se réinvitera dans les débats. »

Figure phare de l'industrie touristique et écologiste assumé, Jean-François Rial a toujours une parole libre qui porte. Pour MyEN, et en amont de son intervention au Club Edouard le 20 avril prochain, le patron de Voyageurs du Monde et tout nouveau président de l'office de tourisme et des congrès de Paris répond à nos interrogations. 

Publié le 14/04/2021 à 12:43, mis à jour le 14/04/2021 à 22:31.

Jean-François Rial
© Frédéric Stucin

Comment vous et le groupe Voyageurs du Monde avez-vous traversé cette crise sans précédent ?

Dans un premier temps, ma priorité et celle de mes associés Alain Capestan et Lionel Habasque a été de réduire nos coûts afin de ne licencier aucun collaborateur. Ensuite, j’ai essayé de comprendre le mieux possible cette maladie afin d’appréhender dans quel timing nous pouvions sortir de cette situation. Je me suis appuyé sur mes compétences de statisticiens et sur mon réseau de scientifiques tissé par l’entremise de l’ONG Unitaid qui lutte contre les virus à l’échelle mondiale. En interne, nous avons maintenu un lien très fort avec les équipes de chacune des marques du groupe, soit 1 200 collaborateurs qui se sont retrouvés quasiment du jour au lendemain en télétravail. Il était primordial pour moi que leur expliquer tout ce qu’il se passait et de répondre à toutes leurs questions. Enfin, avec les représentants de la filière Tourisme, je suis allé sur le front des négociations gouvernementales concernant le soutien financier à apporter au secteur.

Voyageurs du Monde réalisait dernièrement une levée de fonds de 130 millions d’euros. Un signe de confiance en la reprise avant tout ?

Les adaptations que je viens de vous présenter se sont faites dans un contexte financier assez confortable puisque Voyageurs du Monde est une entreprise s’appuyant sur plus de 130 millions de fonds propres, dont 50 millions de cash. En parallèle, nous avons opéré une augmentation de capital avec des investisseurs américains qui sont venus rejoindre nos partenaires historiques Bpifrance et Crédit Mutuel Equity.

Une levée de fonds qui n’a pas vocation à sauver le groupe de l’épidémie, mais bel et bien de lui donner les moyens de se développer post-pandémie

Une levée de fonds de 130 millions d’euros qui n’a pas vocation à sauver le groupe de l’épidémie, mais bel et bien de lui donner les moyens de se développer post-pandémie. Nos investisseurs considèrent que Voyageurs du Monde est une marque leader sur les segments du voyage individuel sur-mesure et du voyage d’aventure. L’objectif est donc de développer ce savoir-faire à l’étranger, que ce soit en croissance interne ou en croissance externe.

Quant à la confiance, je n’ai strictement aucun doute sur la reprise des voyages. La clé n’est pas la confiance ni l’envie, mais de sortir de cette situation sanitaire. L’activité tourisme de loisirs va reprendre à bon rythme et sans doute retrouver les niveaux de 2019 dès l’année prochaine.

Quand et comment envisagez-vous la reprise du tourisme d’affaires ?

Cette activité nécessitera davantage de temps que le tourisme de loisirs pour retrouver son trend habituel, d’autant qu’une partie des rendez-vous business va désormais se tenir à distance et certains événements qui se sont déroulés en digital continueront de privilégier cette option. Le voyage d’affaires et l’activité congrès/conventions notamment pourraient aussi souffrir des restrictions budgétaires au sein des entreprises. A mon sens, le retour à la normale du tourisme d’affaires ne sera effectif que lorsque la croissance du PIB mondial sera très forte.

Le Pass sanitaire se dessine à l’échelle européenne. Une bonne chose selon vous et pourquoi n’y a –t-il pas un dispositif à l’échelle mondiale ?

J’y suis totalement favorable et c’est une réponse très intelligente. Cet outil permettra de regrouper toutes nos données sanitaires susceptibles d’être contrôlées dans les différents pays. Quant à savoir pourquoi il n’y a pas un « passeport » unique et international, ce n’est pas vraiment le problème. Aujourd’hui, il n’y a rien et si demain nous avons 4 ou 5 outils, même différents, eh bien tant mieux.

La crise Covid n’est pas la première grande crise que traverse le tourisme. Quelle(s) leçon(s) doit-on en tirer pour l’avenir ?

Il faut tout d’abord souligner que nous n’avons jamais vécu de crise pareille, même le 11-Septembre qui a été d’une violence inouïe. Cela m’a confirmé que la vérité de la vie c’est l’impermanence, rien n’est acquis et que tout change tout le temps. Tous ceux qui se figent et restent sur des acquis se trompent. Et les entrepreneurs qui s’en sortiront le mieux de la situation présente sont ceux qui ont su bouger et vite.

Par ailleurs, après une phase post-crise de consommation débridée, l’écologie se réinvitera dans les débats. Des événements tels que cette pandémie peuvent être provoquées par des crises écologiques, et c’est peut-être le cas d’ailleurs de la Covid-19. Ne pas se préoccuper des conséquences de l’activité humaine sur la planète est d’une irresponsabilité totale. J’espère qu’il va y avoir un sursaut très fort dans les dix ans qui viennent.

Comment voyez-vous le voyage évoluer dans la Capitale en tant que nouveau président de l’Office de tourisme et des congrès de Paris ?

Paris sans ses touristes n’est pas un Paris bien vécu par ses habitants. Ne serait-ce que parce que le secteur du tourisme représente 15% des emplois dans la Capitale. Donc, peu ou prou, toutes les familles parisiennes sont directement ou indirectement touchés par la crise sectorielle. Par ailleurs le phénomène du sur-tourisme - qui est effectivement un problème - reste encore marginal à Paris. Et il est évident que la concentration de touristes sur des sites précis est une très mauvaise idée, qui plus en est en période post-épidémique.

Il faut rappeler aux touristes que nous avons un terrain de jeu énorme et formidable car notre destination n’est pas que Paris intra-muros

Il faut rappeler aux touristes que nous avons un terrain de jeu énorme et formidable car notre destination n’est pas que Paris intra-muros. C’est toute l’Ile-de-France qui est concernée, aussi il nous faut mieux répartir les publics. J’aimerais aussi pouvoir élargir les horaires d’ouverture de certains sites culturels pour éviter les concentrations de visiteurs. Il nous faut également rendre notre tourisme le plus écologique possible et augmenter nos services aux usagers. Enfin, ma plus belle ambition serait de remettre du beau dans Paris. En tant que nouveau président de l’Office de tourisme et des congrès de Paris, je vais mettre mon pouvoir d’influence au service de cet objectif.

En savoir plus sur...

Les événements rattachés

mar. 20 avr 2021
100% en ligne

Club Edouard VII

Replay

Jean-François Rial au Club Edouard VII

Image
Jean-François Rial au Club Edouard VII le 20 avril 2021

14:30

Jean-François RialPrésident de Voyageurs du Monde et Président de l'Office du Tourisme de Paris, i...

À lire aussi