Entretiens

« Data sans vraie connaissance des gens : c’est stérile et dangereux » 

Big data et surveys, deux mots qui vont très bien ensemble ? Vrai, répond Ipsos qui, à l'occasion de son événement Décisive Data, le 24 septembre, va montrer qu'en associant data et connaissance du consommateur, la science est au service de la décision. Entretien avec Helen Zeitoun, CEO d'Ipsos France.

Publié le 03/09/2019 à 18:32, mis à jour le 04/11/2020 à 19:10.

Photo d'Helen Zeitoun
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Decisive data, un bel intitulé, mais quel contenu cela recouvre-t-il ?
Dans cet intitulé, il y a deux mots, Decisive et Data. Tout d’abord sur la Data : la data a toujours été au cœur du métier des études (surveys) et aujourd’hui étend ses ailes à toutes sortes de données, structurées ou non structurées, passives ou déclaratives, sémantiques ou photo/ video, et son intégration perspicace permet de mieux comprendre, de manière holistique, les phénomènes sociétaux ou business, les formations d’attitudes, opinions, comportements. Toute entreprise en transformation a besoin de connecter toutes ses sources de données pour décision. Le big data s’est imposé comme la panacée mais il s’avère être aux limites de son modèle car il aboutit souvent à du « so what », ignore la réalité des « gens » derrière la data, et qui plus est des changements de paradigmes dans les théories de comportement des consommateurs.
Ce qui m’amène au mot Decisive. Le big data a simplifié à outrance la réalité complexe des phénomènes de décision, et de la psychologie comportementale, en contexte. L’hybridation des data doit selon Ipsos s’accompagner d’une vraie connaissance des consommateurs, citoyens, à la fois théorique et opérationnelle. C’est une condition clé pour que le travail sur la data soit utile aux organisations en quête de « people centricity/ consumer centricity » et serve vraiment à la décision.
Donc Decisive Data, c’est l’enjeu de métier que Ipsos engage dans son programme de transformation. Il ne s’agit pas de cocher la case de la data pour montrer que l’on s’y met, il s’agit de fournir à nos clients qui se transforment ce qui leur manque aujourd’hui : la data vraie et utile.

Comment opérer cette transformation de l’étude à la data ?
Je crois aux transformations par l’humain, à partir du moment où la vision stratégique est claire et déterminée.
A l’ère de l’intégration, de l’hybridation des données, nous travaillons avec le concours de l’intelligence artificielle. Mais intelligence artificielle sans intelligence humaine ne mène à rien de bon ni de juste. Concrètement, nous opérons cette transformation « humanized data » en engageant trois domaines d’actions qui font évoluer le savoir faire dans l’ensemble de la chaine de valeur : le pour quoi, le quoi, le comment.

Le « pour quoi » : Il y a tout un processus à mettre en place pour identifier quels sont les types de data à intégrer dans les algorithmes et pour quoi (en deux mots). Il n’y a pas de théorie là-dessus. Mais nous y attachons une importance forte, et proposons à nos clients d’y réfléchir ensemble de manière pragmatique et initiée. Même le Collège de France s’interroge sur le sujet des théories derrière les choix de données à intégrer dans des modèles et pour quel résultat.

Ensuite, il faut réfléchir au « quoi ». Quoi dans l’algorithme et dans la transparence de l’algorithme. Pour être certain de travailler de manière fine, il faut challenger le contenu des modèles et leurs principes. Il faut ainsi sortir du modèle réducteur « top down » pour l’analyse de conversations sociale , où l’on pré-définit des mots reconnus par des robots. La granularité est essentielle dans le processus de décision de nos clients, et a fortiori en considérant l’aspect culturel et linguistique des data à disposition. La philosophie centrée client qui est chère à toutes les entreprises doit aussi inspirer les modèles algorithmiques que l’on recommande chez Ipsos « bottom up » pour une lecture plus juste et fine des phénomènes. Pourquoi ignore-t-on cela dans l’ère du Big Data ? Parce qu’on en a un peu peur et que personne n’ose dire qu’il n’y comprend rien ! Selon moi, il est nécessaire de s’entourer de data-scientist qui comprennent la logique business, et, vice-versa, de professionnels du business et des études qui ont une affinité avec la science, science des données et des comportements.

Le dernier élément, c’est le « comment » : comment gérer l’interaction entre nos data scientists et nos clients, qui ont besoin de comprendre les phénomènes confusants dans un monde qui change ? la réponse, chez Ipsos, nous la trouvons dans notre transformation de la culture métier, et des modes de travail et process, dans les profils renouvelés et dans la formation quotidienne et motivante de tous nos experts.

Pourquoi l’industrie des études doit-elle s’y mettre ?
Parce que l’ère de la data pour la data est terminée. Il faut avoir conscience de la manière dont on veut utiliser les données, et pour quel type de décision. Utiliser la data sans vraie connaissance du consommateur, cela ne sert pas à la décision, cela aboutit bien souvent à du « so what ? La vraie connaissance des « gens » donne tout son sens au protocole de travail autour de la data.
Mais attention, il y a un autre phénomène à prendre en compte : la connaissance du consommateur repose depuis toujours sur des théories de comportement du consommateur, qui doivent être renouvelées dans un monde qui change, où le consommateur et citoyen fait des choix quotidiens selon de nouveaux paradigmes. Alors même que le big data des agences spécialisées ignore totalement l’évolution des théories du comportement humain, simplifie à outrance la réalité complexe des mécanismes de psychologie comportementale, du cerveau, de décision, d’émotions, il en est de la responsabilité de l’industrie des études de faire le lien entre modèles algorithmiques transparents et granulaires, connaissance des gens derrière la data et maîtrise des mécanismes scientifiques/ théoriques qui régissent leurs comportements.  

C’est le parti-pris d’Ipsos ? Réconcilier la data avec les théories comportementales ?
Absolument. Nous voulons rétablir le vrai qui se trouve derrière la data. C’est la seule condition pour aider nos clients à relever leurs challenges de transformation et ceci de manière stratégique, avec toutes les données confusantes qu’ils ont à disposition.
Ipsos a pour cela non seulement développé ses capacités Data au sein même de son organisation ( data management center / DMC a été créé à cet effet) mais vient de lancer une entité scientifique mondiale (Ipsos Global Science Organization/ GSO) dont j’ai la responsabilité et qui vient sous-tendre la qualité, la pertinence, le sens, la sécurité et l’intégrité des travaux Data. Cette entité couvre neurosciences, sciences comportementales, data science et artificial intelligence. Elle rassemble des chercheurs universitaires qui ont rejoint nos équipes et d’autres en partenariat avec nous.
Ainsi avons-nous conclu récemment un partenariat avec le MIT Innovation Lab et le professeur Eric von Hippel mondialement reconnu pour ses travaux d’open innovation, et un autre avec le Laboratoire LasyDe du groupe La Sorbonne Université Paris Descartes avec le renommé professeur Olivier Houdé et son équipe de recherche. Donc au programme : les liens entre Technologie, Science, Savoir Faire, et Humain. 

Comment va se passer Decisive Data ?

Trois grands sujets seront abordés, avec une intervention de grand scientifique renommé suivie d’interventions flash très concrètes d’experts Ipsos :
1/ How Brain works : le consommateur pense-t-il de manière hybride ou dichotomique ? Le Professeur Olivier Houdé présentera en quoi la capacité de contrôle exécutif de notre cerveau (système 3), à inhiber le système 1 et à activer le système 2, est cruciale pour dépasser ces « conflits cognitifs », et nous aider à mieux analyser les informations et prendre de meilleures décisions.
2/ Le « bon » big data appliqué au domaine de la mobilité, qui implique une somme de micro-décisions. 
3/ Et dans tout ça quid des neuro sciences ? Sans émotion pas de décision ? Les neurosciences modernes doivent se travailler de manière hybride, avec le survey.

Le Système 3 est-il une notion partagée et reconnue par tous ?
Sur un plan scientifique, oui, mais sur le plan opérationnel marketing et décision, non. Il règne encore dans l’industrie du marketing une vieille croyance sur le système 1 et le système 2 selon laquelle les gens achèteraient, voteraient, agiraient avec leurs émotions et pas leur raison, ou vice versa, de manière dichotomique. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur les travaux du Professeur Houdé, de la Sorbonne, qu’Ipsos a développé un modèle applicatif pour une meilleure compréhension du consommateur aujourd’hui.

Cet événement va-t-il servir à faire connaître le système 3 ?
Oui mais il va aussi servir à faire savoir qu’IPSOS se structure autour de la science et pas seulement de la data. Nous voulons faire savoir que notre expertise data s’ancre sur des faits solides.

En quoi êtes-vous crédible dans cette démarche ?
Parce que nous connaissons le consommateur et que nous travaillons la chaine de valeur de la data de manière complète, technologique, scientifique, et humaine. Aujourd’hui je pense que le business ne peut pas vraiment agir avec de la donnée seule, traitée rapidement, et selon des modèles analytiques simplificateurs et réducteurs, ou selon des croyances que les gens achètent, souscrivent, votent de manière dichotomique rationnelle ou émotionnelle. Bref, il est temps de travailler la data de manière à ce qu’elle serve à la décision, intégrée à une connaissance holistique, théorique et opérationnelle des « gens », consommateurs, clients, citoyens, patients.
C’est ce qu’Ipsos sait faire (nous avons beaucoup de ces données dans notre héritage !), et développe de jour en jour dans le cadre de son programme de transformation, et grâce aux clients qui lui font confiance.

Quel type de public attendez-vous dans la salle ? Est-ce que tous les professionnels du marketing sont concernés ?
Oui, l’événement concerne les entreprises de tous secteurs et les institutions publiques qui veulent affiner la connaissance de leurs clients, donc des fonctions marketing, digital, études, expérience client, … et qui se posent de vraies questions sur une vision critique de l’exploitation des data dans leur processus de transformation et leur quête de « people centricity », d’expérientiel.

 

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