Entretiens

“ Sortons du conformisme ambiant et des clous qui balisent aujourd’hui l’information ! “ 

Qu'attendre des Etats généraux de l'information ? MyEN a posé la question au journaliste et homme de médias Stéphane Simon. Réponses cash au programme !   

Publié le 04/10/2023 à 16:35, mis à jour le 04/10/2023 à 18:09.

Stéphane Simon
© DR

Les Etats généraux de l’information viennent de débuter. En tant que journaliste et homme de médias, comment jugez-vous cette initiative initiée le Président de la République et qu’attendez-vous de ce rendez-vous ? 

Je commencerais par dire que je n’en attends absolument rien, et j’ajouterais que, d’un point de vue presque philosophique, je trouve que c’est toujours une mauvaise nouvelle quand l’Etat se préoccupe des secteurs de la presse et des médias en général. Instinctivement, j’ai donc une grande méfiance pour ce type d’initiative. 

Pour autant, vous admettrez qu’il y a plus que jamais un vrai souci avec la perception qu’ont les Français des médias et leur défiance vis-à-vis de l’information ? 

En effet, nous connaissons actuellement une véritable crise de confiance. Celle-ci tient d’ailleurs pour beaucoup des liaisons dangereuses qu’entretiennent les pouvoirs publics avec les médias, et ce depuis trop longtemps.

En France, nous avons l’impression d’avoir une presse libre dont on se gargarise, or de mon point de vue, nous sommes à l'exact opposé de cette situation.

En France, nous avons l’impression d’avoir une presse libre dont on se gargarise, or de mon point de vue, nous sommes à l'exact opposé de cette situation. Nous n’avons pas une presse indépendante et de qualité suffisante. Beaucoup trop de médias sont aux mains de grands groupes, et la presse réputée libre vit beaucoup trop des aides et des subventions d’Etat. Elle s’est également coupée du goût du public. Il faut revenir à l’essence même d’un journalisme inspirant, celui de Pierre Lazareff qui disait que le premier devoir d’un journaliste, c’est d’être lu. 

Parmi les 10 chantiers de ces travaux, il y a celui de l’éducation à l’information. Vous qui avez écrit un livre sur Samuel Paty, comment appréhendez-vous cette thématique ? 

Vous me donnez l’occasion de revenir sur ce drame sur lequel beaucoup de choses ont été dites, et parfois ô combien mal. Nulle part je n’ai vu la “grande photo” qui permettait de comprendre ce qui s’était passé pour expliquer qu’un agent de l’Etat ne soit plus protégé, alors qu’il était dans l'œil du cyclone et voyait sa vie menacée. Cela montre bien que très souvent la presse épouse l’émotion du moment, qu'elle reste sur du ressenti et fait peu de place à l’analyse et aux enseignements à tirer. Qu’avons-nous fait collectivement de la mort de Samuel Paty ? Ma réponse est terrible mais malheureusement pas grand chose ! 

En tant que fils et petit-fils d’enseignants, je suis évidemment très sensible à ces questions d’éducation, et la transmission demeure pour moi une valeur cardinale. Pour autant, est-ce que la pédagogie et l'éducation ont besoin d’être encadrées par l’Etat ? C’est à mon sens une affaire individuelle, et chaque journaliste qui prend la plume devrait avoir à cœur d’exposer d’abord les faits, puis les tenants et aboutissants.

Nous devons sortir du cycle infernal communication, répercussion de l’AFP et dilution de l’information afin de renouer avec le public. 

Une presse vertueuse et de qualité doit par ailleurs revenir aux sources primaires d’information et arrêter d’être dans la dilution de dépêches et de communiqués. Nous devons sortir du cycle infernal communication, répercussion de l’AFP et dilution de l’information afin de renouer avec le public. 

Nous sommes-nous pas justement à l’heure de la communication vs l’information ? 

Oui, et c’est bien le drame. Nous sommes beaucoup plus dans la reprise d’éléments de langage que dans l’information. Il y a une autocritique des journalistes à mener, et je me permets d’autant plus de le dire que je suis moi-même journaliste. Sortons du conformisme ambiant et des clous qui balisent aujourd’hui l’information ! Ce sursaut collectif doit venir du terrain et non de l’Etat. 

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