Entretiens

« Pour les femmes d’aujourd’hui, la représentation de soi, de la séduction, de l’épanouissement passe par de nouveaux codes. »

« Comment s’adresser aux femmes en 2019 ? » s’interroge l’étude exclusive de Storymind réalisée pour Prisma Média à l’occasion de la conférence sur les Nouvelles Féminités, le 21 mai. Une vaste question qui ne saurait être résolue sans s’ouvrir à une vision plus globale de la société contemporaine. Car oui, le monde a changé, les codes ont évolué, et les femmes n’ont plus du tout les mêmes aspirations. Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay, président de Storymind, explique.

Publié le 14/05/2019 à 09:44, mis à jour le 04/11/2020 à 19:10.

Photo Jean-Emmanuel Cortade
© Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay

Vous avez réalisé une étude exclusive dans le cadre de l’événement Nouvelles féminités. Pourquoi cette étude et quel est son objectif ?
La société française est en train de changer. La représentation de soi, du luxe, de la séduction, de l’épanouissement passe par de nouveaux codes. Les règles d’hier ne sont plus valables, c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la défiance envers les marques a explosé. Désormais, les médias doivent se repositionner sur les bons codes pour savoir comment parler aux femmes d’aujourd’hui, en s’affranchissant des concepts marketing et en prenant le pouls de la réalité. L’étude réalisée par StoryMind pour Prisma Média a identifié 13 stratégies pour parler aux femmes d’aujourd’hui. Et répond à une question principale : y a-t-il encore une différence générationnelle entre les différentes étapes de la vie d’une femme ? La réalité est complexe. 

C’est-à-dire ? 
Nous nous sommes focalisés sur deux groupes : les millenials, et les 35-55 ans L’étude définit quelles thématiques sont transversales et parlent à toutes les femmes, et quelles thématiques sont spécifiques à des tranches d’âge. Nous avons identifié 5 grandes idées autour desquelles les femmes sont d’accord. 

Quelles sont les thématiques sur lesquelles se retrouvent toutes les femmes ?
Le « clean care », c’est-à-dire le désir de vivre et consommer sainement (clean beauty, flexitarisme, bio...).
Le « No routine » : toutes les femmes rencontrées affirment que l’audace n’est plus un risque, c’est une chance. Prendre des risques ne fait plus peur mais est associé au fait de se sentir vivante, de prendre un nouveau départ, d’avoir confiance en soi. 
Le « smiling rescue » ou comment se sauver par le sourire. C’est un antidote à l’époque. Tout est prétexte à sourire : faire une escapade, cuisiner, se retrouver entre copines, aller voir un humoriste, mais aussi sourire aux clins d’œil dans les publicités. Même les marques de luxe, traditionnellement sérieuses voire graves, adoptent désormais un ton avec plus de chaleur et de connivence. 

Les consommatrices veulent des preuves. Avec des marques qui ne cherchent plus à les séduire mais à les convaincre

Enfin, le « No fake proof » qui implique un paradigme complètement différent pour les marques. Les consommatrices veulent des preuves, et ne veulent plus se mentir. Nous sommes en train de passer du « storytelling » au « storydoing », c’est-à-dire non pas ce que je veux être, mais ce que je fais. Les femmes veulent être bien dans leur peau, élégantes, mais en restant elles-mêmes, sans mentir, avec des marques qui ne cherchent plus à les séduire mais à les convaincre. 

Durant la conférence Nouvelles féminités, un focus sera fait sur les 35-55 ans. Pourquoi ce choix ?
Parce qu’on parle beaucoup des millenials et des seniors, alors que les 35-55 ans non seulement ont le plus grand pouvoir d’achat, mais ils se trouvent aussi à l’apogée de leur épanouissement, leurs carrières, leurs vies parentales, de leurs projets, etc. De plus, il est courant de parler de la crise de milieu de vie, mais ce marqueur est en train de s’effacer.

Le doute du premier tiers de vie est un nouveau marqueur

Les rythmes contemporains se sont profondément accélérés, et la remise en question, l’épuisement, le doute pointent avant 40 ans. Le doute du premier tiers de vie est un nouveau marqueur. Nous sommes donc allés à la rencontre de ce nouveau continent : « les quadrenbulle ». Pourquoi « bulle » ? Parce que c’est le carrefour pour retrouver un nouvel équilibre, fort de ces enseignements du premier tiers de vie.

Quels insights caractérisent ces « quadrenbulles » ?
Nous les développerons durant la conférence. Il y en a quatre.
Le « mom ‘s cocoon » où les enfants sont un écran face à la dureté du monde. Les femmes réinvestissent la relation avec leurs enfants, notamment parce que la relation de couple est vécue comme difficile. Les marques ont d’ailleurs bien compris qu’il fallait toucher le binôme parents / enfants. 
« Love me tender », où comment gérer la relation entre les hommes et les femmes dans la vie privée. 
« Trust you » : les femmes n’ont plus envie de suivre des injonctions, elles veulent s’affranchir des modèles dominants. 
Enfin, la « detox life » qui va beaucoup plus loin que les préoccupations corporelles. Il s’agit de lâcher prise et de se purifier de tout ce qui est de l’ordre de la pollution. 

Vous dites que les rythmes se sont accélérés, et que, en dix ans, les règles ont profondément changé. Les femmes d’aujourd’hui n’ont pas les mêmes attentes. Comment expliquez-vous cette accélération du changement ?
La vie quotidienne a été indexée aux nouveaux outils. Or, après 10 ans de culture mobile et digitale, on sent poindre les premiers signes de l’essoufflement : le temps de sommeil s’est effondré, le QI, le taux de fécondité. Dans ce contexte, il n’est pas choquant de remarquer que d’ores et déjà, les générations ressentent les effets de ces doutes, cette distanciation par rapport aux modèles, aux injonctions. La société du mobile qui nous a promis la liberté n’a pas tenu ses promesses. Quelque chose de nouveau est en train de naître. Pour autant, les femmes que nous avons rencontrées ont toutes des stratégies de résilience. Alors quelles stratégies les marques peuvent-elles mettre en place pour être audibles dans cette résilience ? C’est tout l’objet de la conférence : donner des insights pour mieux sensibiliser les femmes dans ce qu’elles éprouvent, dans les stratégies qu’elles sont en train de mettre en place pour faire face à la dureté du monde et pour tirer leur épingle du jeu. 

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