Entretiens

« Notre observatoire révèle une amélioration notable de la transparence chez les influenceurs ! »

L'Observatoire de l'Influence Responsable nous révèle ses résultats 2021-2022. Décryptage avec Mohamed Mansouri, Directeur délégué de l’ARPP. 

Publié le 27/09/2022 à 10:42, mis à jour le 29/09/2022 à 12:58.

Mohamed Mansouri
© DR

On sent que les lignes bougent dans le marketing d’influence, que le secteur se purifie de l’intérieur et se professionnalise. Est-ce que vous le constatez à l’ARPP ?

C’est en effet le constat que nous faisons et que valident les résultats de notre observatoire. Revenons déjà sur le marché mondial de l’influence qui connaît une forte croissance. En effet, celui-ci est passé de 5,5 milliards d’euros en 2019 à 12 milliards d’euros en 2021. La progression est énorme sur ce marché qui est jeune et donc croit très vite. Concomitamment, le secteur a besoin de se structurer via des règles éthiques pour éviter les dérives que l’on a pu constater chez une catégorie d’influenceurs, généralement issus de la télé-réalité, mais qui représentent une minorité d’acteurs.

Aujourd’hui, selon Reech, il y a 150 000 créateurs de contenus identifiés en France, il faut donc ne pas se focaliser uniquement sur les mauvais éléments. Et au niveau mondial, selon une étude de We Are Social et Hootsuite, il y a 4,5 milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux, et d’ici 5 ans, 1 milliard de personnes s’identifiera comme créateur de contenus. Nous sommes véritablement sur une économie qui transforme la culture, la société et la consommation.

Les modes de vie de certains influenceurs ont été pointés du doigt récemment, notamment au regard de l’urgence climatique. Comment faire rimer transition écologique et influence ?

C’est une vraie question. Au côté de la profession, nous soutenons l’idée d’une transformation durable de la communication. Auprès des influenceurs, il y a des leviers pour aller dans le bon sens, comme par exemple s’interroger sur les modèles économiques des produits mis en avant, sur leurs conditions de production et de distribution, sur leur empreinte carbone, le recyclage, etc.

Dans sa nouvelle version, le Certificat s’attache également à vulgariser auprès des influenceurs les conclusions du dernier rapport du GIEC.

Dans sa nouvelle version, le Certificat s’attache également à vulgariser auprès des influenceurs les conclusions du dernier rapport du GIEC. Il faut que les influenceurs fassent leurs les enjeux globaux du climat afin qu’ils construisent des contenus allant dans le sens d’une consommation plus responsable.

Avec la transparence et loyauté pour maitre-mots ?

Pour les marques qui coopèrent avec des influenceurs, il y a un véritable enjeu de brand safety. Elles doivent être alignées avec leurs engagements RSE en termes de lutte contre les stéréotypes sexistes, de greenwashing, tous les sujets que l’on retrouve dans les recommandations de l’ARPP. Mais il reste des enjeux importants. Donc nous allons annoncer le renforcement du certificat sur les thèmes des enjeux climatiques mais aussi sur les produits financiers et les jeux d’argent. Sur ce dernier point, nous avons resigné une convention de partenariat avec l’Autorité des Marchés Financiers avec qui nous allons lancer un certificat avec une option produits financiers pour permettre aux Fin-influenceurs d’être loyaux et transparents sur les produits et leurs potentiels risques. Un autre certificat sera quant à lui dédié aux jeux d’argent afin de prémunir par exemple les enfants et les mineurs aux risques encourus. Les influenceurs doivent être loyaux vis-à-vis de leurs audiences et ne pas tromper le consommateur.

Quel est le bilan de la certification ARPP de l’influence responsable ?

A date, il y a 170 influenceurs certifiés et la tendance s’accélère, notamment parce que les marques commencent à imposer ce certificat. C’est le cas de L’Oréal et du Club Med par exemple. La récente actualité, avec des influenceurs pointés du doigt, participe également à cette volonté de se différencier en se certifiant et en s’engageant à respecter les règles éthiques.

Nous allons lancer une capsule audio en 7 épisodes dans lesquels nous donnons la parole à 8 créateurs de contenus certifiés

Par ailleurs, nous allons lancer avec Influence Corner, un partenaire spécialisé dans le marketing d’influence, une capsule audio en 7 épisodes dans lesquels nous donnons la parole à 8 créateurs de contenus certifiés. Ils expliqueront pourquoi ils ont passé la certification et leur souhait de s’inscrire dans la durée en établissant une confiance durable car, rappelons-le, « no trust, no business ! » (pas de confiance, pas d'affaires). Donc oui, le bilan de notre certification est positif, même s’il reste du travail à faire.

Quels sont les principaux enseignements de l’Observatoire 2021-2022 ?

Nous avons étudié 30 000 contenus - dont 22 700 sur Instagram, 2 253 YouTube sur et 5 000 sur TikTok – émanant de 5 580 influenceurs.

Ce que révèle notre observatoire, c’est l’amélioration des pratiques en termes de transparence. Révéler les intentions commerciales des contenus est ainsi passé de 73 % l’an dernier à 83 % cette année. 10 points de plus en termes de transparence c’est conséquent, et les chiffres de 2022 renforcent cette tendance, notamment via le certificat de l’influence responsable. Ce dernier a aussi pour vocation de faire de la pédagogie, par exemple auprès des « petits » influenceurs de moins de 10 000 abonnés et qui ne sont pas forcément au fait des bonnes pratiques.

Comment les plateformes s’inscrivent dans la démarche ?

Des plateformes comme Google, TikTok, Amazon siègent au sein de notre comité de suivi. TikTok a ainsi produit un module pédagogique sur la transparence des intentions commerciales. Les plateformes ont donc leur rôle à jouer pour faire du digital un environnement plus sain dans lequel on peut se projeter et avoir pleinement confiance.

Quels sont les enjeux actuels et à venir du marketing d’influence ?

Beaucoup d’influenceurs demeurent très attachés à leur liberté de ton et de création. Les marques doivent donc être dans le lâcher-prise si elles veulent être dans une logique de co-création efficace. Mais cette plus grande liberté exige une totale responsabilité de tous. Et je pense que nous nous dirigeons vers davantage de sobriété chez les créateurs de contenus, avec des partenariats plus choisis et plus pertinents.

A notre échelle, c’est la sensibilisation sur le dérèglement climatique et sur les secteurs dits à risque pour les jeunes publics, par exemple les jeux d’argent et les produits financiers, qui se révèlent prioritaires. Plus de contrôle, pour plus de pédagogie. Dans cette optique, nous reconduirons notre observatoire pour l’année prochaine.

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