Entretiens

« Le Club Digital de l’ARPP, c’est le rendez-vous des professionnels souhaitant agir pour une publicité numérique éthique et responsable »

A l'occasion du lancement du Club Digital de l'ARPP, MyEN fait le point en matière de publicité numérique responsable avec Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’autorité de régulation. 

Publié le 16/03/2022 à 11:11, mis à jour le 17/03/2022 à 10:00.

Mohamed Mansouri
© DR

L’Observatoire de l’Influence responsable prépare sa 3e édition. Comment procède l’ARPP pour contrôler un nombre sans cesse croissant de contenus d’influenceurs ?

Après une 1ère édition en 2019, en version bêta et au cours de laquelle nous avions analysé manuellement quelque 500 contenus digitaux, nous avons souhaité avoir une approche beaucoup plus ambitieuse. Nous nous sommes donc adossés à des fournisseurs de technologies, Reech et Traackr, qui ont accès aux datas puisqu’ils intègrent les API des plateformes. Nous avons co-construits avec eux des algorithmes qui nous permettent de faire remonter automatiquement les contenus pour lesquels il y a une forte probabilité de collaboration commerciale.

L’an dernier, nous avons pu ainsi traiter et vérifier la conformité de 30 000 contenus grâce à ces technologies avancées

L’an dernier, nous avons pu ainsi traiter et vérifier la conformité de 30 000 contenus grâce à ces technologies avancées. Ainsi, l’Observatoire peut mesurer le degré de conformité du marketing d’influence sur le marché français. Avec le comité de suivi interprofessionnel composé de marques, d’agences et des plateformes adhérentes telles que Google et TikTok, sont ensuite adoptés des plans d’actions pour garantir le maximum de transparence et de déontologie dans les messages diffusés, dans le respect du cadre légal. Rappelons d’ailleurs que la dissimulation de l’intention commerciale est une pratique commerciale trompeuse punie par la loi.

Comment toucher davantage d’influenceurs et améliorer la transparence ?

Grâce à notre méthodologie, nous nous sommes aperçus qu’un quart des contenus d’influenceurs n’était pas conforme en ne révélant pas cette intention commerciale. C’est une part importante, qui l’est encore plus chez les influenceurs de plus petites audiences. Il y a donc un fort enjeu pédagogique pour que les « petits » influenceurs se professionnalisent. D’où la volonté de la profession de lancer le Certificat de l’influence Responsable. Tout le monde a un rôle à jouer dans ce processus de transparence et de conformité.

Les marques évidemment peuvent imposer ce certificat aux influenceurs avec lesquels elles collaborent

Les marques évidemment peuvent imposer ce certificat aux influenceurs avec lesquels elles collaborent, comme le fait Club Med par exemple. Les agences et autres intermédiaires peuvent aussi prendre en charge la certification. Ainsi, en offrant les frais d’inscription au Certificat de l’Influence Responsable à 100 influenceurs, la démarche de Socialyse Paris démontre que les agences ont pleinement leur rôle à jouer pour œuvrer en faveur d’une influence respectueuse des publics. Cette initiative s’inscrit au cœur d’un enjeu devenu fondamental, si ce n’est vital pour le marché : celui d’une influence responsable. Enfin, les plateformes doivent contribuer à la diffusion de messages pédagogiques, à l’instar de TikTok.

Et pour l’ARPP, quels sont ses leviers pour « évangéliser » la profession d’influenceur ?

L’ARPP active et communique sur les canaux auxquels les influenceurs sont sensibles. Ainsi, nous avons pu toucher bon nombre d’influenceurs sur notre compte Instagram @ARPPub, grâce à une pédagogie gamifiée notamment et des contenus de brand content construits avec des influenceurs et un média, en l’occurrence Brut. Les profils de ces derniers sont par ailleurs valorisés via un filtre Instagram que nous mettons à leur disposition et qu’ils peuvent utiliser dans leurs posts. Et puis les influenceurs s’influencent entre eux, c’est un cercle vertueux sur lequel il faut s’appuyer.

Quid du groupe Meta et donc de Facebook et Instagram ?

A l’inverse d’autres plateformes ou réseaux comme Google, TikTok, ou Amazon, Meta n’est en effet pas adhérent à l’ARPP, ni chez la plupart de nos homologues européens d’ailleurs avec lesquels nous travaillons étroitement au sein d’un groupe de travail, le Data Driven Self-Regulation Committee. Nous menons ces travaux à l’échelle européenne pour avoir une démarche commune et alignée, en faveur d’une publicité numérique responsable qui dépasse les frontières. L’objectif est de mettre en commun nos outils technologiques (partage de code source, de méthodologie…) sur lesquels nous nous appuyons pour mener à bien nos missions de monitoring (Observatoires, bilans…).  

En tant que spécialiste des questions data et digitales, comment jugez-vous la frontière parfois poreuse entre information et communication ?

Même si c’est de moins en moins vrai, l’idée reçue selon laquelle il est préférable « d’avancer masqué », pour générer l’adhésion des audiences, peut encore persister. Cela ne concerne pas uniquement le marketing d’influence, mais aussi d’autres formats de brand/branded content. Ces derniers peuvent être de puissants vecteurs de la raison d’être des marques, particulièrement adaptés pour véhiculer leurs actions environnementales, sociales ou sociétales. Ce qui a pour corollaire le risque d’une frontière entre les champs éditoriaux et publicitaires peu claire. Evidemment, cela ne favorise pas la confiance du consommateur, de plus en plus aguerri à de telles pratiques. Il faut donc être loyal vis-à-vis des consommateurs et s’approprier les bonnes règles éthiques. C’est d’ailleurs l’un des sujets du Club digital dont la réunion de lancement aura lieu le 7 avril prochain.  

Quel est l’objectif de ce Club Digital que vous pilotez ?

L’ARPP a déjà d’autres Club média tels qu’historiquement le Club TV dans le cadre du service des avis TV/SMAd avant diffusion et qui réunit tous les trimestres les Régies publicitaires TV, le SNPTV, l’AACC et l’Union des marques pour faire le point sur l’activité de l’ARPP, le cadre légal et déontologique, les affaires publiques, etc. Ce sera la même chose pour le Club Digital.

Nous avons l’ambition de réunir les acteurs du digital, en profitant de la dernière mise à jour de la nouvelle recommandation de l’ARPP « communication publicitaire numérique »

Nous avons l’ambition de réunir les acteurs du digital, en profitant de la dernière mise à jour de la nouvelle recommandation de l’ARPP « communication publicitaire numérique », entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Les pratiques publicitaires numériques dans toute leur diversité sont concernées : l’audio digital, le Brand content, le Marketing d’Influence, les applications mobiles, le Native Advertising… toujours avec les règles de transparence et de loyauté en ligne de mire. Evidemment, la demande de conseils en matière de digital épouse la croissance du média lui-même. Il est donc primordial d’établir des points de doctrine avec tout l’écosystème digital. Le Club Digital de l’ARPP, c’est le rendez-vous des professionnels souhaitant agir pour une publicité numérique éthique et responsable. Il s’agira de faire des points réguliers sur l’activité de l’ARPP en matière digitale également, de pointer d’éventuelles dérives ou encore de faire émerger de nouvelles tendances. Un moment d’échanges et d’information pour que tout le monde soit au clair sur le cadre légal et éthique.

Y a-t-il des sujets prioritaires qui vont être traités à brève échéance par le Club Digital ? 

Nous ferons le point sur les projets de texte européens comme le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, ou DMA), le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA) et leur impact sur la publicité numérique. Nous parlerons aussi de la loi Climat et Résilience, de l’étiquette CO2 et des nouvelles mentions obligatoires dans la publicité automobile, etc. Le Club Digital sera aussi l’occasion de faire le point sur les plaintes traitées par le Jury de déontologie publicitaire liées à la publicité digitale.

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