Entretiens

« La Clean Beauty tient du mouvement sociétal mais avant tout d’une motivation individuelle » 

Les attentes consommateurs en termes de bio, de naturel ou encore de transparence font bouger les lignes dans de nombreux secteurs. L'industrie cosmétique ne fait pas exception, avec la progression de la demande en termes de "beauté propre".  Le point sur cette tendance avec Virginie Lubot, Directrice Executive Adjointe Prisma Media Solutions, à quelques jours de l'événement du 3 novembre "La Clean Beauty décryptée". 

Publié le 26/10/2020 à 17:20, mis à jour le 04/11/2020 à 19:10.

Virginie Lubot
© DR

A quand remonte l’intérêt de l’industrie de la beauté pour la cosmétique bio et naturelle ? 

Nous avons détecté les premiers signaux il y a environ 3 ans. A cette époque nous avions senti qu’il y avait un questionnement autour de cette thématique. Cela s’est accéléré avec le phénomène Yuka qui a fait beaucoup s’interroger les consommateurs, mais aussi les marques cosmétiques. Ces dernières ont vraiment pris le sujet à bras le corps. L’an dernier, c’était un sujet de discussions et de réflexions, désormais il est vraiment intégré dans le développement des produits, avec une accélération durant la crise de la Covid. 

Une attente du consommateur donc mais est-ce un mouvement comparable à la quête du bio dans l’alimentaire par exemple ? 

Nous constatons que 62% des Français se déclarent très intéressés par la Clean Beauty, et 1 personne sur 2 dit en acheter. C’est déjà très notable ! Il y a très peu de réfractaires à la thématique, mais beaucoup d’intentionnistes ou de personnes qui sont en réflexion sur le sujet. Certains segments sont plus ou moins avancés tels que les gammes naturelles et bio qui sont déjà bien adoptées, les gammes vegan restant pour l’heure très minoritaires, sauf pour le make-up qui avance plus rapidement. En magasin, nous constatons que les rayons s’étoffent de plus en plus, preuve que l’engouement se confirme. 

Que font les industriels face à la demande de transparence : quels composants ? Quid des perturbateurs endocriniens, du packaging, etc. ? 

Clairement, les industriels de la cosmétique prennent conscience que l’impact doit être pris en compte sur l’ensemble de la chaine de valeurs. Il est assez courant désormais de voir sur les sites des marques des explications claires et détaillées des ingrédients utilisés. Ils mettent également en avant le packaging pour lequel est utilisé de plus en plus le carton, ou bien la vente en vrac ou les recharges qui se développent également. Nous avons aussi des produits avec une composition beaucoup plus simplifiée, permettant au consommateur de détecter facilement d’éventuels perturbateurs mais aussi les éléments chimiques que l’on doit avoir dans les produits pour qu’ils soient efficaces.

Les lancements de produits seront certainement pensés différemment désormais

Charge aux marques de prendre la parole et d’expliquer pourquoi ceux-ci sont utilisés, bien souvent en petite quantité. Nous sommes au début d’un cheminement sur une chaine de valeurs globale. Certaines marques nous disent vouloir remonter en amont du produit et s’assurer que leurs partenaires soient également beaucoup plus « cleans ». Et les lancements de produits seront certainement pensés différemment désormais, en mode plus vertueux. 

Quel est le poids économique de ce marché et sa croissance annuelle ? 

Quasiment inexistant il y a vingt ans, le secteur de la cosmétique bio et naturelle pesait 757 millions d'euros en 2018 en France. Il est donc en progression de près de 19 % en 1 an, pesant 6,4 % de celui des cosmétiques.

Les grandes marques ne sont-elles pas en retard et ne perdent-elle pas des parts de marché face aux phénomènes Do It Yourself ou bien des start-up beauté ? 

Il est certain que ces éléments ont bousculé le marché. Nous avons évoqué Yuka, et il est vrai que de nouvelles marques sont venues également court-circuiter les acteurs historiques. Notamment au travers du discours marketing, des preuves qu’elles pouvaient apporter, et en utilisant les réseaux sociaux et l’e-commerce. Certaines marques sont par ailleurs puissamment incarnées par leurs créatrices, à l’instar de Respire dont la fondatrice fait montre d’une prise de parole passionnante. 

Ces phénomènes sont désormais pris en compte et il y a une véritable volonté de comprendre le comportement du consommateur, à travers son parcours dans des environnements contextuels ou bien e-commerce. C’est pour cela que nous avons lancé cette étude à la fin août avec Adot car il est important pour nous d’apporter une vision globale sur les attitudes et les comportements. De quoi aider les marques à mieux comprendre les attentes, les freins, les motivations d’achat, et ainsi leur permettre d’aller à la rencontre de leurs audiences. 

Quelques tendances pouvez-vous nous dévoiler en avant-première de votre événement du 3 novembre ? 

Ce que l’on peut déjà dire, c’est que l’on remarque une mixité dans les profils intéressés par la Clean Beauty. C’est sans aucun doute un mouvement sociétal mais en premier lieu cela tient d’une motivation individuelle pour préserver sa santé et celle de ses proches, qui plus est dans une période de grande incertitude. Nous avons constaté également que dans la réflexion d’achat, la composition des produits prime sur leur efficacité. Le prix et la disponibilité sont quant à eux les deux freins identifiés du segment de marché. Clairement, les consommateurs attendent que ces produits soient adaptés à leur budget. 

Comment le groupe Prisma Media utilisent ces insights ? 

Le groupe Prisma Media a développé des activations de contenus qui se nourrissent en permanence des observations comportementales de nos audiences. Et il est vrai que le digital et le social nous aident vraiment à adapter en temps réel nos contenus, en lien avec les signaux faibles qui émergent, les grandes tendances et les innovations marché.

Désormais la thématique Green est totalement intégrée dans nos marques.

Par exemple, il y a encore deux ans nous faisions des numéros « Spécial Green » dans nos magazines. Désormais la thématique est totalement intégrée dans nos marques, que ce soit Femme Actuelle, Voici ou Prima. Et dans Gala, nous proposons une rubrique Clean Beauty mensuelle depuis plus d’un an. Sur gala.fr, les lecteurs peuvent également retrouver des informations dédiées, nourries par les marques et leurs engagements pour une beauté plus responsable. Enfin Simone, notre média d’influence des jeunes femmes engagées, 100% social et 100% vidéo, met aussi en avant dans son programme Simone Green des initiatives écologiques et des marques éco-responsables.

Pour terminer, un conseil pour les marques positionnées Clean Beauty ? 

Il y a véritablement un sujet autour de la pédagogie pour les marques. Ces dernières ne doivent pas faire l’impasse sur le bénéfice individuel. Et sur les réseaux sociaux, il faut adapter sa grammaire, sa narration. Il ne s’agit plus maintenant de faire simplement du buzz ou du bruit, mais au contraire d’apporter un contenu avec une véritable valeur ajoutée et surtout des preuves. Il faut passer du concept de Love Brand à celui d’Active Brand et sur une thématique comme la Clean Beauty, cela doit prendre toute son expression. 

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