Entretiens

« Dans l’événementiel, il y a beaucoup d’innovations dont la nature relève du service et qui répondent à un besoin jusqu’ici non-couvert. »

Directeur de l’incubateur le Welcome City Lab et administrateur de la RMN-Grand Palais, Laurent Queige évoque pour MyEN l’innovation portée par les start-up dans le domaine des events et la place de la destination Paris sur le marché des rencontres professionnelles. 

Publié le 04/11/2020 à 11:05, mis à jour le 05/11/2020 à 10:17.

Laurent Queige
© DR

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le Welcome City Lab et sa mission ?
Créé il y a 7 ans, le Welcome City Lab est le premier incubateur au monde spécialisé dans l’innovation touristique, avec pour objectif principal d’aider tous les entrepreneurs et la filière du tourisme et événementiel. Cela passe également par des process pour être plus innovant en intégrant des réflexes, un état d’esprit, des références et des méthodes de travail qui s’appuient davantage sur l’innovation. Autre objectif enfin, aider Paris à être plus innovante en tant que destination touristique et événementielle. Nous incubons environ 30 start-up par an, soit 150 start-up incubées depuis la création avec un taux d’échec de 13%, les 87% autres se développent, et parmi elles 25% ont rencontré un véritable succès sur leur segment de marché. Les chiffres à retenir surtout sont qu’elles ont créé 1 400 emplois à Paris et levé 200 millions d’euros auprès de différents types d’investisseurs privés.

Comment se porte l’innovation en matière touristique et en particulier de rencontres professionnelles et d’événementiel ? On a l’impression que ce secteur intéresse de plus en plus d’entrepreneurs ?
Les start-up que nous suivons sont très diverses et ne se limitent pas au champ du digital. Il y a beaucoup d’innovations dont la nature relève du service et qui répondent à un besoin jusqu’ici non-couvert. Prenons l’exemple de We Drop incubé au French Event Booster, l’incubateur de la filière événementielle initié par Viparis et pour lequel nous opérons également. We Drop a développé une solution de stockage automatisé dans les vestiaires de grands événements tels que les salons. Cette innovation découle d’une bonne observation du parcours client sur les events et de l’identification d’un point de fiction en termes de fluidité. Autre exemple avec Furniture for Good, jeune pousse spécialisée dans le mobilier événementiel en matériaux recyclés. Là nous sommes dans l’innovation d’usage. Mais bien sûr, il y a également des innovations très techno.

Quels sont les points de friction et les angles morts de l’innovation pour les events ?
Indéniablement tout ce qui est lié au développement durable et à l’écoresponsabilité. Lorsque l’on voit par exemple tout ce qui est jeté à l’occasion d’un salon professionnel, il reste du travail à faire d’autant que c’est un sujet dont on parlait déjà il y a 20 ans.

Dans l’événementiel, il y a par ailleurs un changement de paradigme total en termes de modèle économique.

Il y a encore trop peu d’innovations dans cet univers. Dans l’événementiel, il y a par ailleurs un changement de paradigme total en termes de modèle économique. A savoir, est-ce qu’un producteur d’événements doit continuer d’avoir un modèle axé sur un Big Event annuel où tout le monde vient des 4 coins de la planète puis repart en attendant de se revoir l’année prochaine, ou bien ne faut-il pas plutôt arriver à animer sa communauté sur un sujet précis et maintenir un dialogue régulier avec ses publics ? Se limiter à un événement one-shot qui parfois constitue tout son chiffre d’affaires annuel, qui plus est quand on considère la vulnérabilité des events face aux éléments extérieurs, me paraît problématique. Les outils digitaux permettent aujourd’hui de garder le lien avec ses publics, voire de se créer des sources de revenus complémentaires.

Est-ce que le lieu des events va rester primordial demain ? Est-ce que ce n’est pas finalement la date et les contenus qui vont devenir encore plus déterminants ?
Il est vrai que l’événement se libère progressivement des contraintes d’un certain type de lieux. Par exemple, chaque année le Welcome City Lab fait le lancement de son cahier de tendance sur le salon IFTM/Top Resa dans une salle de conférence de 150 places. Tous les ans le public est au rendez-vous et nous sommes ravis. Le salon ayant été annulé cette année, nous avons fait ce lancement en digital, avec une toute petite partie en présentiel dans nos locaux pour les journalistes et les partenaires. Nous avons eu 3 400 participants. C’est énorme ! La technologie permet donc de démultiplier notre impact, peut-être aussi de rendre moins vulnérable notre modèle économique. Mais je reste très attaché au contact en présentiel, par nature plus riche et plus complet.

Paris occupe une position de leader dans la cartographie mondiale des destinations événementielles. Vous venez d’être nommé administrateur de la RMN – Grand Palais qui va devoir revoir à la baisse sa feuille de route pour les travaux. L’heure est-elle aux restrictions ?
Concernant la RMN-Grand Palais, il y a un représentant du ministère de l’Economie au sein de la Réunion des Musées Nationaux qui est sous tutelle de ce ministère et de celui de la culture. Ils m’ont demandé d’entrer au Conseil d’administration en tant que personnalité qualifiée sur la thématique de l’innovation. J’ai donc participé à mon premier Conseil le 15 octobre dernier au cours duquel ont été voté plusieurs résolutions, dont celle portant sur les 466 millions d’euros consacrés à la rénovation du Grand Palais, dans la perspective des Jeux olympiques.

L’incertitude quant à l’évolution de la pandémie bloque les investissements, les projets, les déplacements, etc. Inévitablement nous allons aussi vers des événements plus sobres à tout point de vue.

Les prochains mois vont être très difficiles évidemment. L’incertitude quant à l’évolution de la pandémie bloque les investissements, les projets, les déplacements, etc. Inévitablement nous allons aussi vers des événements plus sobres à tout point de vue. Nous avons évoqué la RMN qui a revu à la baisse le montant de ses travaux mais Paris 2024 a également repensé sa copie avec une version plus light et plus sobre. Pour Paris, les J.O représente évidemment un énorme enjeu. C’est un événement unique au monde qui ne s’est pas tenu chez nous depuis un siècle. Si la pandémie dure trop longtemps, le risque est qu’il y ait une destruction de l’appareil productif, une perte de savoir-faire, et que la réalisation d’événements périphériques soit annulée. Autre exemple avec les événements de type foires et salons qui permettent à toute l’industrie française de faire sa promotion à l’international. En Allemagne, les autorités ont laissé les événements professionnels se dérouler avec un protocole sanitaire ad-hoc car en arrière-fond il y a toute l’industrie allemande qu’il faut soutenir. Donc si en France nous continuons d’interdire la tenue de grands événements, cela va devenir réellement mortifère.

Etes-vous optimiste quant à la résilience du secteur et sa capacité à innover ?
Oui, je reste optimiste et surtout bluffé par l’inventivité, la capacité de rebond et d’évolution des entrepreneurs dans la crise actuelle mais pas seulement. 7 ans après la création de l’incubateur, nous recevons toujours des dossiers de candidature de start-up qui proposent des innovations qui nous paraissent intuitives et évidentes. Il faut faire confiance à la créativité des entrepreneurs.

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