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« L’avenir de la télé publique est d’être l’École du Peuple »

Personnalité « poil à gratter » du paysage audiovisuel français à l’origine de programmes célèbres, Thierry Ardisson cultive toujours son franc-parler. En amont de son talk du 17 septembre au Club Edouard VII, sur le thème « Peut-on révolutionner la TV ? », discussion à bâtons rompus avec le producteur-animateur, écrivain et ancien publicitaire.

Publié le 31/08/2020 à 12:39, mis à jour le 04/11/2020 à 19:10.

THIERRY ARDISSON PORTRAIT
Portrait de Thierry Ardisson © DR

Que vous inspire l'évolution du média TV depuis 10 ans ?             
Aujourd’hui le média télé est attaqué de toute part, et je pense évidemment aux plateformes et aux réseaux sociaux. Sous sa forme actuelle, la télé a sûrement mangé son pain blanc. L’avenir du média télé se trouve désormais dans le Service Public, tout d’abord parce ce dernier ne souffre pas obligatoirement de la crise actuelle grâce à la redevance qui sanctuarise ses revenus, et parce que l’avenir de la télé publique est d’être l’École du Peuple ! Elle doit assumer une mission pédagogique face à la barbarie ambiante. A part ça, le seul intérêt aujourd’hui des chaines hertziennes, reste la communion, la célébration des événements. On l’a vu lors du match de football PSG / Bayern, 11M de téléspectateurs ! Et puis, il y a les finances… A partir du moment où les programmes des chaines hertziennes ressemblent aux programmes de la TNT, c’est d’autant plus dur d’attirer le public. Les gens n’ont rien contre la télé, mais il faut qu’elle se réinvente.

Quelle serait donc la mission du Service Public ?
Injecter une dimension culturelle dans chacun de ses programmes : talk-shows, variété, jeux, et même télé-réalité, si, par exemple, elle se passe dans la Rome Antique, ce qui ferait mieux connaitre cette époque. Il faut surtout cultiver. Je suis un enfant de l’ORTF, qui a été mon université, et je milite pour une programmation culturelle de qualité et accessible à tous. Il faut trouver les Averty, les Galard, les Santelli, les Glaser d’aujourd’hui.

Il faut savoir capter et garder l’attention du public pour lui vendre de la culture, là est tout le challenge

Votre regard sur la qualité de la programmation ?
Nous sommes passés de l’époque des saltimbanques, à celles des géomètres ! A partir du moment où les cost controlers prennent le pouvoir, vous pouvez être sûrs que la qualité des programmes ne va pas s’améliorer. La vraie difficulté c’est de rendre divertissants des programmes culturels. C’est ce qu’on a fait avec « Tout le monde en parle » où l’on pouvait avoir en plateau à la fois Houellebecq et une bimbo de la télé-réalité. Il faut savoir capter et garder l’attention du public pour lui vendre de la culture, là est tout le challenge. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre !

Télé et réseaux sociaux ? Cela fait-il bon ménage ? 
Je ne suis pas rentré là-dedans, je ne m’embête pas à savoir ce que l’on pense de moi sur Twitter, par exemple. Je vis hors réseaux sociaux. En revanche, quand vous allez voir Netflix ou Amazon pour présenter une émission, la première question qu’ils vous posent c’est : « Combien de followers avez-vous ? ». C’est devenu une valeur. YouTube en revanche est pour moi la meilleure chaîne de télé avec une programmation exceptionnelle. Ça va de Clemenceau à Beyoncé ! Y’a tout !

Avec le risque de subir l’effet de bulle de filtres ?
C’est en effet un problème, car l’algorithme vous propose uniquement ce qui vous intéresse. Comme je suis assez curieux, je vais au-delà de ces propositions formatées, mais on peut facilement rester dans une bulle de confort. D’ailleurs Netflix vient de créer un bouton, qui vous emmène hors de votre bulle !

C’est quoi la télé dans 5 ans ? Une consommation qui reste stable selon vous ?
Oui, mais je pense que la consommation va se faire de plus de plus à partir d’un schéma où vous arriverez sur une page d’accueil et vous choisirez ce que vous voulez. La fin de la télé linéaire. Les algorithmes créeront votre « home page » d’après votre profil et ce que vous aimez. Donc ce sera à chacun sa télé, plutôt qu’une télé qui cherche à plaire au plus grand nombre. Chacun aura sa chaine.

Quelle serait la place d’une télévision publique avec un tel modèle ?
No Culture, no Future. La télé publique doit faire en sorte que la flamme de la culture ne s’éteigne pas. J’ai milité pour des chaînes privées à l’époque où la télévision publique dominait le marché. Aujourd’hui c’est l’inverse, il faut que les acteurs des chaines publiques se sentent investis d’une mission, celle de spectaculariser la Culture.  

Mais aujourd’hui des émissions mythiques comme Le Grand Echiquier n’ont pas rencontré le succès lors de leur reprise ?
Je ne vois pas pourquoi cela remarcherait ! C’est l’esprit de l’ORTF qu’il faut ressusciter, pas les formats ! Est-ce que c’est une bonne idée que de faire des remakes plutôt que d’inventer de nouveaux formats ? On ne demande pas à la télévision publique de refaire Le Grand Echiquier, Intervilles, Les Enfants de la Télé, ou Surprise Surprises. A l’époque où Le Grand Echiquier est né, c’était la première fois que l’on voyait des vedettes qui se parlaient entre elles. Aujourd’hui, on a vu ça cinquante mille fois !

Les chaines hertziennes ont tout intérêt à créer des événements

Des formats à imaginer en lien avec l’événementiel et le live ?
Si l’on reprend cette idée de communion dont nous parlions tout à l’heure, les chaines hertziennes ont en effet tout intérêt à créer des événements, des concerts, des festivals, des expositions, etc.

Une direction de chaîne, cela vous tenterait ?
Non, pas du tout. Ce qui me plairait, c’est de conseiller un patron de chaîne, de discuter des programmes, lui donner des idées. Tout le monde me prend pour un animateur télé, mais ce n’est pas mon vrai boulot. J’ai commencé comme concepteur, j’ai inventé des pubs, des livres, des films, des journaux. Je suis un créatif avant tout. J’écoute vraiment mes intuitions et me maintiens en condition de capter les idées dans l’air du temps. Je fais partie d’une génération où l’imagination était célébrée.

Delphine Ernotte vient d’être réélue à la tête de France Télévision, quel conseil lui donnez-vous ?
Je lui dirais : « Laissez votre nom dans l’Histoire de la Télé ! ». Elle a été une très bonne gestionnaire, mais sur la création et la culture elle doit étonner.

Pour finir, votre actualité de la rentrée ?
Je prépare ma nouvelle émission. Je lance ma chaine « INA/ArdiTube » sur YouTube. Ensuite, j’ai une émission qui s’appelle « Rembob’Ina » avec Patrick Cohen sur LCP. L’INA, c’est un véritable Louvre ! Je suis très INA ! Enfin, je sors avec Philippe Thuillier un documentaire sur l’ORTF en deux parties sur France 3. Et bien sûr, le rendez-vous au Club Edouard VII le 17 septembre.

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