Entretiens

« Il faut donner envie aux créatifs dans le monde de s’emparer de la presse. Nous devons récompenser la créativité. »

Co-fondateur de l’agence Altmann + Pacreau, Olivier Altmann sera le seul Français président de jury aux Cannes Lions pour la catégorie Print & Publishing. Avant de prendre ses fonctions, il nous livre sa vision du rôle de président de jury, ses impressions, ses attentes et ses envies.

Publié le 11/06/2019 à 10:42, mis à jour le 04/11/2020 à 19:10.

Photo Olivier Altmann
© DR

Vous êtes le seul Français président de jury. Comment le vivez-vous ?
C’est très gratifiant, instructif et ça va me permettre de reconnecter avec mes pairs du monde entier. J’avais déjà été président du jury « Outdoor » il y a plusieurs années. Je sais que c’est un rôle éreintant parce que, pendant 6 jours vous commencez à 8h du matin, jusqu’à 20h, seul autour d’une table, avec des milliers de dossiers à examiner et à noter. Le dernier jour, est envoyée la shortlist, avec un classement des créations par ordre décroissant, en fonction des notes attribuées par chaque membre du jury. C’est seulement à partir de ce moment-là que l’ensemble des jurés se retrouve pour discuter et attribuer les prix Or, Argent, Bronze, Grand Prix.  

Quel est le rôle du président dans cette mécanique ?
Le président intervient au début et à la fin. Il peut faire un speech d’introduction afin d’expliquer l’orientation qu’il souhaite donner à sa présidence. Est-ce qu’on juge les campagnes print comme un objet en soi ou comme un élément intégré d’une campagne ? Est-ce qu’on s’intéresse au talent de la rédaction, ou plutôt à la direction artistique ? Le président peut donner une grille de lecture aux jurés. Par la suite, il va animer les débats, confronter les points de vue, temporiser si c’est nécessaire, se placer en maitre de cérémonie en quelque sorte. Pour moi, le bon président de jury, c’est celui qui permet à ses jurés de sortir de la salle en étant capables de défendre les résultats. Pour cela, il faut laisser les arguments s’exprimer, quitte à remettre au vote ce qui fait débat. 
Malgré tout, le président a ses limites. Si le groupe est embarqué dans une direction qui ne lui convient pas, il faut qu’il s’adapte. 

Comment vous êtes-vous préparé ?
J’ai regardé les créations qui ont été primé dans les précédents festivals pour avoir une idée des tendances. Cela me permet de ne pas découvrir les campagnes sur place, et de me forger une opinion sur ce que les jurys des autres festivals ont apprécié, et de me positionner en accord ou en désaccord avec leurs choix. Même si l’on sait qu’à Cannes il y a toujours des surprises avec des campagnes qui viennent du Sud, d’Asie, qui ne sont pas parues ailleurs. 

J’ai envie d’être attentif à ne pas primer des campagnes qui ont un air de déjà-vu. Ce qu’on cherche, c’est à être étonnés !

J’ai envie d’être attentif à ne pas primer des campagnes qui ont un air de déjà-vu. Ce qu’on cherche, c’est à être étonnés ! De même, je n’ai pas envie de récompenser une campagne trop confidentielle. Il faut donner envie aux créatifs dans le monde de s’emparer de la presse, s’assurer que la campagne ait fait bouger les choses, ait été vue.  En premier lieu, nous devons récompenser la créativité.

Avez-vous déjà une idée des consignes que vous allez donner à vos jurés ?
J’ai envie de récompenser une campagne intelligente, qui provoque une émotion ou une réflexion, pas simplement l’admiration du travail créatif. Ça peut être une sublime accroche, un gros travail artistique, ou un mot d’ordre qui a eu un impact majeur dans le pays. Et je crois qu’il faut résister à l’envie de primer des campagnes qui ont déjà été reconnues ailleurs. C’est toujours tentant… Enfin, avant tout, j’ai envie d’être étonné, donc je ne veux pas donner une direction qui nous prive d’être surpris par une création qui ne rentrerait pas dans mes orientations. 

Le fait d’avoir déjà été président de jury va-t-il vous aider ?
Je crois que j’ai un peu plus d’expérience pour manager l’humain, et avec le temps, j’ai acquis une forme de bienveillance et d’exigence. En vieillissant, on est plus à l’écoute des autres, on tempère ses jugements. Paradoxalement j’ai vu tellement de campagnes que je ne peux pas récompenser une création dont la figure de style créative serait tellement classique que je pourrais déjà l’avoir pratiquée moi-même. 

Comment voyez-vous l’évolution du festival ?
Le festival énormément changé depuis que j’y suis allé la première fois. Nous sommes passés d’une manifestation uniquement dédiée au film à une véritable convention où il y a de moins en moins de créatifs. 
Par ailleurs, il y a énormément de catégories et aujourd’hui un créatif peut revenir avec de multiples prix. Avant, gagner un Lion c’était incroyable, deux inespéré, trois magique ! Trop de prix tue les prix. Pour moi l’important, c’est l’idée. Il faut voir combien de Lions on ramène pour les idées. 
Malgré tout, Cannes reste la seule grand-messe de la créativité. Il n’y en a pas d’autres. Et les jurys sont très internationaux, ce qui permet d’avoir une certaine fraicheur sur les choses, avec des campagnes reconnues à Cannes et pas ailleurs… 

Que pensez-vous de la création française ?
Je pense que la création française se porte plutôt bien. Aux D&AD, la France s’est positionnée quatrième en termes de créativité, derrière les Etats-Unis, les Britanniques, et l’Allemagne. Cela veut dire qu’on a un ratio de qualité plus élevé que la moyenne. En France, les agences ont souvent un créatif à leur tête. Cela prouve aussi que ça reste d’abord une impulsion qui passe par des individus. 

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