Entretiens

« Le role model présenté à nos filles ne doit pas être uniquement synonyme d’élite »

A l'occasion de la sortie de son livre et de la prochaine Journée internationale des droits des femmes, Patricia Chapelotte, directrice générale de Hopscotch Décideurs, répond à nos questions. 

Publié le 02/03/2022 à 14:52, mis à jour le 04/03/2022 à 12:44.

Patricia Chapelotte
© DR

Vous publiez avec la journaliste Anne-Marie Rocco un livre intitulé Egalité Femmes-Hommes une grande cause, et après ? une enquête sur la condition féminine dans notre pays, enrichie de nombreux témoignages. Quels en sont les principaux enseignements ?

Pour cet ouvrage, nous avons interviewé des femmes d’univers différents. Que ce soit la politique avec Edith Cresson, Clémentine Autain ou Anne-Marie Idrac, le monde économique avec Julia Bijaoui ou Christiane Lambert, la culture avec Laurence des Cars et Delphine Ernotte ou encore Brigitte Henriques dans le sport, nous avons rencontré à chaque fois des femmes qui ont été ou sont premières dans leur domaine.

Chacune d’elles nous a raconté ses difficultés pour arriver à ces postes-là, avec des parcours somme doute différents et parfois semés d’embûches.

Chacune d’elles nous a raconté ses difficultés pour arriver à ces postes-là, avec des parcours somme doute différents et parfois semés d’embûches. Edith Cresson, première femme Premier ministre et la seule à ce jour, est revenue sur la misogynie sans égal à laquelle elle a été confrontée. Autre exemple avec la présidente de la FNSEA Christiane Lambert qui témoigne d’une évolution du statut des femmes dans le monde agricole. Beaucoup de choses restent à faire mais les évolutions sont néanmoins nombreuses, notamment depuis #MeToo. Et toutes les femmes que nous avons interrogées demeurent positives et ont envie d’aider les autres.

Vous dressez le portrait de 10 femmes d’influence d’horizon très divers. A leur écoute, avez-vous déceler un point commun dans leur parcours ?

Sans doute le fait d’avoir auprès d’elles des maris ou des compagnons de vie qui les ont soutenus dans leur choix de carrière et leur ont permis de trouver un équilibre. Des partenaires qui acceptent les absences, les emplois du temps bien remplis, mais aussi la notoriété. Il n’est pas rare en effet que l’ego prenne le dessus et que des hommes n’acceptent pas que leur femme prenne davantage la lumière qu’eux. Il faut vraiment bénéficier d’un entourage soudé.

Vous-même êtes une femme d’influence : vous avez exercé dans l’univers politique, avez créé votre propre agence revendue depuis à Hopscotch groupe dont vous dirigez le pôle Décideurs. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer le prix Femmes d’influence il y a 8 ans maintenant ?

J’avais créé le club des Femmes d’influence 3 ans avant la création du prix car je trouvais que l’on ne voyait pas assez de femmes dans les médias, ou bien toujours les mêmes. Qui plus est des personnalités surdiplômées, avec des parcours de très hauts niveaux dans lesquelles on avait du mal à s’identifier.

Il y a des femmes entrepreneures formidables dont nous ne parlons quasiment jamais (...)

Il y a des femmes entrepreneures formidables dont nous ne parlons quasiment jamais et le « role model » que l’on présente à nos filles ne peut être uniquement synonyme d’élite. C’est donc pour cela que j’ai créé le prix de la femme d’influence, pour mettre en lumière des femmes qui ont réussi mais qui sont davantage accessibles. Et ce dans différents domaines.

Par ailleurs, l’an dernier, nous avons lancé le prix Espoir avec un jury junior composé de femmes de 18 à 35 ans. Une bonne manière également de mettre la relève en lumière.

A l’occasion du 8 mars, Hopscotch organise une rencontre avec la ministre Agnès Pannier-Runacher et Alexandra Dublanche, Vice Présidente de la région Ile-de-France. La ministre interviendra notamment sur l’émancipation économique des femmes. Toujours une réelle difficulté pour elles ?

L’émancipation économique des femmes est un enjeu majeur. Nous devons enseigner à toutes les jeunes filles, quel que soit leur milieu social, l’importance d’aller à l’école, d’avoir un métier et de gagner sa vie. L’autonomie financière est un gage de liberté et nous le constatons malheureusement dans de nombreux cas de violences conjugales où les femmes se sentent prisonnières, faute de moyens.

Un sujet central que la ministre Agnès Pannier-Runacher, qui vient d’écrire un livre avec sa consœur Elisabeth Moreno*, évoquera également avec nous lors de la matinée du 8 mars prochain.

Nous sommes en période électorale, avec cette année de nombreuses candidates. Au-delà des idées et des programmes, diriez-vous qu’il est encore difficile pour les femmes d’émerger ? Qu’on leur fait encore trop souvent un procès d’incompétence ?

La prise de parole des femmes reste encore problématique, et pas uniquement en politique. Souvent celles-ci peuvent ressentir un sentiment d’imposture ou bien ne pas se penser assez compétentes pour s’exprimer sur des plateaux TV par exemple. En politique, on l’a bien vu récemment avec les réactions au meeting de Valérie Pécresse qui ont été d’une rare violence, et sans doute davantage que si c’était un homme qui avait raté l’exercice. Les femmes continuent de « prendre cher », si je peux m’exprimer ainsi.

*Femmes, ministres et féministes. Notre combat pour l’égalité réelle. Editions Points d’orgue.

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