Entretiens

« Il y a un équilibre qui se crée dans la tête du consommateur, lui permettant de se libérer d’une tension en matière de choix. »

Comment les consommateurs arbitrent-ils leurs choix de consommation à l’heure des injonctions paradoxales ? On en parle avec Sebastian Cuturi Cameto, VP Stratégie & Création chez Leo Burnett Paris, en amont de la webconférence « Ethic Consuming, Happy Ending » du 18 novembre.

Publié le 10/11/2020 à 17:14, mis à jour le 11/11/2020 à 20:14.

SEBASTIAN CURUTI
© DR

Toutes les études consommateurs mettent en exergue la montée dans la préoccupation éthique et environnementale des produits. Dans quelles mesures le phénomène s’accélère-t-il ?
Nous sommes en face d’une dynamique, et cette tendance s’amplifie davantage qu’elle ne s’accélère. D’après nos études, le constat de la nécessité d’un changement en termes de consommation est déjà partagé par tout le monde. La question maintenant est d’identifier à quel point les consommateurs sont prêts à agir.

Vous identifiez 4 leviers sur lesquels s’appuient les consommateurs pour faire leurs choix, ce que vous appelez le nouvel équilibre de consommation. Quels sont-ils ?
Ce qui est très intéressant, c’est le passage de 2 à 4 leviers. Il n’y a pas si longtemps que cela, les leviers de la qualité et du prix du produit étaient primordiaux. Désormais, deux nouveaux leviers sont venus compléter cette approche, à savoir la responsabilité - dans laquel on inclut l’écoresponsabilité -  et la santé. Auparavant, le consommateur se posait la question de savoir si le produit n’était pas trop cher et s’il allait combler une attente, cette dernière reposant sur le principe du « Job-to-be-done » de Clayton Christensen. Donc aujourd’hui, on veut également savoir si les produits que nous consommons vont avoir un impact sur la planète et sur notre santé. Cela complexifie évidemment le rapport aux marques et aux produits. Néanmoins, si tension il y a dans l’esprit du consommateur pour effectuer son choix, elle ne se situe pas tant au niveau du produit, mais à l’échelle du panier.

Chacun essaye de trouver un équilibre dans l’entièreté de son panier plutôt que produit par produit.

Chacun essaye de trouver un équilibre dans l’entièreté de son panier plutôt que produit par produit. Cela va avoir aussi une influence sur les comportements. Des données prouvent par exemple qu’un consommateur faisant ses courses à vélo aura plus tendance à acheter des produits plaisir et peut-être un peu moins Green que s’il s’était déplacé en voiture. Il y a donc un équilibre qui se crée dans la tête du consommateur qui lui permet de se libérer d’une tension en matière de choix.

Comment réagissent les marques ? On a l’impression que le consommateur est désormais capable de faire sans elles…
Tout d’abord, les marques doivent comprendre et accepter ces changements. Viennent ensuite les moyens qu’elles doivent mettre en place pour suivre cette tendance, d’autant que si elles ne le font pas, ce sont les consommateurs eux-mêmes qui les mettront en œuvre. On le voit au travers de nouveaux modes de consommation comme le recyclage, la seconde main et le local par exemple. Par ailleurs, nous sommes entrés dans l’ère de la transparence. De plus en plus de personnes choisissent leurs produits en consultant des applis telles que Yuka qui leur donnent ces informations de transparence. N’oublions pas non plus le Do it Yourself qui transforme non seulement les modes de consommation mais aussi de production. Ce phénomène reste émergent mais il est à suivre. Les marques ne peuvent donc plus se cacher derrière un message ou un passif produits. Il y a également ce que l’on appelle le contrat responsable, à savoir que le consommateur va passer avec les marques une sorte de contrat tacite, leur demandant de faire la preuve de leurs efforts pour s’améliorer en termes d’impacts par exemple. Nous sommes également dans l’ère de la preuve.

Quel est profil type de ce consommateur responsable ? 
Le phénomène touche tout le monde. Au sein de notre étude, nous avons fait une pyramide des audiences qui distingue 3 groupes de taille égale qui ont tout à fait conscience que nous ne pouvons plus continuer de consommer comme avant. Il y a un premier groupe, que nous appelons les "éco-conscients" qui sont conscients de l'effort à fournir mais qui ne savent pas comment faire.

33% des Français engagés, des "éco-acteurs" qui ont transformé durablement leur quotidien, c'est assez énorme !

Un deuxième tiers se compose des "éco-responsables" qui sont des personnes commençant à adopter des nouveaux modes de consommation et enfin un dernier tiers qui vraiment s'engage résolument. 33% des Français engagés, des "éco-acteurs" qui ont transformé durablement leur quotidien, c'est assez énorme ! En termes démographique, il y a évidemment des disparités notamment dans le déclaratif. Les urbains par exemple vont davantage se déclarer actifs parce que ces engagements sont plutôt nouveaux pour eux, quand les ruraux sont davantage imprégnés de gestes éco-responsables. Et ce n'est pas non plus une question d'âge. Les seniors ont davantage de liberté économique pour agir, et si ce sont les plus jeunes d'entre nous qui poussent au changement, ce n'est pas ceux qui agissent nécessairement le plus. 

Est-ce que la crise actuelle va modifier la donne ?
Le facteur prix reste évidemment plus déterminant dans certaines industries. Néanmoins, cela se rééquilibre quelque peu. Même si les consommateurs sont regardants sur le prix, d'autres facteurs restent déterminants. N'oublions pas non plus que le pouvoir d'une marque est avant tout émotionnel. La part de l'émotion chez les êtres humains ne va pas se réduire, néanmoins l'émotion devient une résultante des quatre leviers que nous venons d'évoquer. Enfin, la marque en elle-même n'est pas seulement l'émanation de ce qu'elle produit et diffuse. Le consommateur a autant de pouvoir sur la définition de ce qu'est une marque que l'entreprise elle-même. C'est pourquoi il faut cultiver le dialogue entre marques et consommateurs. 

Chez Leo Burnett, nous avons un credo qui est "Sharper Minds, Brighter Future" car nous pensons qu'en tant que communicants notre rôle n'est pas tant d'élaborer des opinions que d'aider à fabriquer des esprits critiques. A nous d'aider les consommateurs et les annonceurs à faire des choix en pleine conscience. 

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